Un siècle de modèles de décompression


1. Historique
2. Modèles haldaniens
3. Tables françaises
4. Modèles par diffusion
5. Modèles "à bulles"
6. Notes
    Bibliographie


Une vue des modèles établissant les tables de décompression, éventuellement repris par les ordinateurs de plongée, loin d'être exhaustive du fait de leur multiplicité (nombreux travaux dans ce domaine) et de la difficulté d'obtenir des informations précises.
Ce n'est pas un mode d'emploi des tables présentées.

1. Un peu d'histoire


Scaphandrier

L'Homme a certainement regardé sous l'eau depuis la Préhistoire. Des écrits1 de l'Antiquité décrivent des plongeurs en apnée pêchant les huîtres perlières et les éponges, récupérant des cargaisons coulées ou attaquant les bateaux ennemis (les ancêtres des nageurs de combat). Un dessin de cette époque représente un nageur sous l'eau avec une outre remplie d'air, réalité ou imagination ?
La cloche à plongeur est utilisée depuis le XVIIe siècle (cloche de Halley, 1690). Mais les travaux importants en atmosphère hyperbare, caisson (tubistes) et scaphandre2 (pieds-lourds), datent du XIXe siècle. Le scaphandre, après quelques prototypes plus ou moins réalistes au XVIIIe, a été inventé par A. Siebe (Angleterre) en 1819 et amélioré par J. M. Cabirol en 1855.
B. Rouquayrol et A. Denayrouze mettent au point un régulateur d'air en 1864 : un détendeur fournissant l'air à la demande, associé à un réservoir d'air comprimé. Cet équipement est cité dans Vingt mille lieues sous les mers3. Il tombera dans l'oubli alors que ce régulateur était le prototype du Mistral de la Spirotechnique qui ne viendra que bien plus tard.
Enfin le scaphandre autonome naîtra grâce à l'invention majeure du détendeur Cousteau-Gagnan en 1943, des palmes (L. de Corlieu, 1914), masque (dans les années 1930) et habit isothermique (G. Beuchat, 1953).

Les travaux en caisson ou en scaphandre provoquaient souvent des accidents inexpliqués. Paul Bert4 mit en évidence le rôle de la désorption brutale de l'azote à la remontée (il faut fournir un air à la même pression que l'ambiante au fond, sinon la respiration n'est pas possible, d'où l'absorption de l'azote par les tissus), cause des accidents de décompression ; il préconisa une vitesse de remontée lente et uniforme, qui c'est avérée peu efficace, mais l'idée de contrôler la remontée était là.

Le physiologiste J. S. Haldane (et collaborateurs A. Boycot et G. Damant, Angleterre) établit les premières tables de décompression en 1908, elles seront perfectionnées par l'US Navy. Les hypothèses prises pour leur conception sont la base des modèles dits haldaniens, dont les tables françaises.

2. Modèles haldaniens

2.1 Principes

2.1.1 L'oxygène

La majorité de l'oxygène est combinée à l'hémoglobine du sang (oxyhémoglobine) qui le restitue pour alimenter les tissus ; le peu sous forme dissoute serait bien insuffisant8 pour assurer son rôle vital. L'oxygène dissous n'intervient donc pas lors de la décompression.

2.1.2 Absorption / désorption des gaz

A température donnée et à saturation, la quantité de gaz dissous dans un liquide (ici un tissu physiologique, le corps humain est constitué d'environ 70 % d'eau), exprimée en tension, est proportionnelle à sa pression partielle exercée sur ce liquide et à son coefficient de solubilité (loi de Henry).
La solubilité des gaz6 est plus grande dans les lipides que dans l'eau, dans l'ordre de solubilité croissante : hélium (remplace l'azote pour éviter l'effet narcotique de celui-ci lors des plongées profondes) puis azote ; leur vitesse de diffusion inversement proportionnelle à la racine carrée de leur masse molaire (loi de Graham) : dans l'ordre croissant azote puis hélium.

Sat-désaturation

Le corps humain est représenté par des compartiments (terme préférable à celui de tissus), en parallèle et indépendants, absorbant (lors de la plongée) ou désorbant (lors de la remontée), de façon symétrique, l'azote ou l'hélium, suivant une loi exponentielle de période τ (temps de demi-saturation ou désaturation) :

T = T0 + (P - T0) (1 - 0,5 t / τ)

T tension de gaz dissous : T0 tension initiale, P pression partielle du gaz respiré (au fond lors de la plongée, en surface en fin de remontée) et t temps.

Le temps sur la figure est exprimé en nombre de périodes.

On considère le transport du gaz par le sang artériel (perfusion) suivant un régime permanent, sa diffusion dans les tissus suit la cinétique ci-dessus.

Le coefficient de sursaturation critique    Sc = Tgaz / Pabsolue    exprime la tension d'azote ou d'hélium dissous tolérable suivant la pression ambiante. Lorsque l'un des compartiments atteint son Sc (pour Pabsolue = Tgaz / Sc) on arrête la remontée : palier. La remontée elle-même participe à la décompression, sa vitesse est contrôlée (H. R. Schreiner a complété l'équation précédente pour une descente ou une remontée à vitesse constante).

Ce sont les hypothèses de J. S. Haldane, qui avait utilisé 5 compartiments, mais un seul Sc = 2 pour tous.

2.2 M_values

2.2.1 R. Workman

Le concept des M_values14 a été introduit par R. Workman (US Navy, 1965). Le ratio fixe de sursaturation admissible est abandonné au profit d'une tension maximale M d'azote ou d'hélium tolérable par compartiment suivant la profondeur, représentée par l'équation d'une droite :

M = ΔM prof + M0      (ΔM : pente de la droite et M0 : tension à la surface, tensions exprimées en mètres d'eau).

2.2.2 A. Bühlmann

A. Bühlmann14 (Suisse) a repris le concept de R. Workman, en utilisant la pression absolue au lieu de la profondeur :

Tmax = (Pabs / b) + a      (1 / b : pente, a : tension pour Pabs = 0).

Il publie un jeu de tables à l'air et à l'hélium - oxygène (héliox) ZH-L12 à 12 compartiments en 1983 et le jeu ZH-L16A à 16 compartiments en 1990, divisé en jeu B pour les tables et C pour les ordinateurs24 (Aqualung, Garmin, Suunto). En prenant la pression absolue ces tables sont utilisées pour les plongées en altitude. Elles sont aussi adaptées aux mélanges suroxygénés (nitrox) et ternaires (trimix O2, N2 et He), les coefficients b et a sont pondérés suivant les proportions de N2 et He.

Une innovation de A. Bühlmann est de considérer la composition de l'air alvéolaire (dans les alvéoles pulmonaires) au lieu de l'air ambiant pour les plongées en altitude10, 16 : il faut déduire 0,063 b de pression partielle de vapeur d'H2O et de CO2, à peu près constante quelle que soit la pression absolue, la PpN2 n'est plus que 0,75 b à la surface au lieu de 0,79 b ou 1,54 b à 10 m.

La version ZH-L8 ADT MB sur ordinateur est la plus complète : "ADT" pour adaptation de la décompression suivant la consommation d'air (donc l'effort, le froid ou le stress), "MB" pour la prise en compte de la formation de bulles.

2.2.3 Comparaison des modèles

M_values

La figure compare les trois modèles pour un compartiment de τ = 40 min, à l'air. La table MN 90 (le modèle à Sc constant est mis sous la forme :   Tmax = Sc Pabs) est la moins sévère, Bühlmann la plus restrictive (ZH-L16C).
Alors que ces droites sont tracées selon T maximale de gaz dissous fonction de la pression absolue, la lecture se fait à l'inverse : pour une T en fin de plongée, la tension limite indique les paliers à respecter.
Par ex. TN2 en fin de plongée = 2,2 b (le compartiment 40 min pris comme directeur) :
- MN 90 :   Pmin = TN2 / Sc    soit   Pmin = 1,3 b, palier à 3 m,
- Bühlmann :   Pmin = (TN2 - a) b    soit   Pmin = 1,4 b, premier palier à 6 m.


2.2.4 Gradient factors

Gradient factors

Ou facteurs d'ajustement15 de la droite des M_values, dans l'espace entre la droite originelle (GFs à 100 %) et la droite Tgaz = Pabsolue (GFs à 0 %). Sur la figure, GF low = 70 %, GF high = 50 %, soit une nouvelle droite décalée plus sécurisante.
La diminution du GF low favorise les paliers profonds, celle du GF high les paliers près de la surface. Ces paramétrages sont utilisés avec un ordinateur pour les plongées profondes.


2.2.5 Généralisation

En fait les M_values sont un concept général applicable à tous les modèles haldaniens ; les modèles à Sc constant ne sont qu'un cas particulier où les droites passent par l'origine.

Les tables modernes de l'US Navy et PADI (DSAT RDP, USA), DCAP (R. W. Hamilton, Marine suédoise) et bien d'autres utilisent ce modèle14.

Même s'ils sont purement mathématiques tous les protocoles haldaniens sont maintenant validés par des contrôles de présence de bulles circulantes par effet Doppler et des statistiques d'accidents sur des milliers de plongées.

2.3 Courbes dissymétriques

Des variantes considèrent la désaturation plus lente que la saturation :
- chaque compartiment a une période lors de la saturation et une autre plus longue à la remontée (M. Spencer, USA) ;
- la saturation suit la loi exponentielle mais la désaturation est linéaire (E. D. Thalman16, tables US Navy 2008 ?).

2.4 Hélium versus azote


He versus N2

L'hélium diffuse rapidement dans les tissus, jusqu'à atteindre sa limite de solubilité : saturation. L'absorption de l'azote est plus lente, mais sa limite de solubilité plus grande fait que la saturation ne sera atteinte que bien plus tard. Conséquence, pour de mêmes profondeurs et temps, entre plongées à l'air et à l'héliox :
- en deçà de la saturation la quantité d'hélium absorbé sera plus grande que celle d'azote, la décompression pour l'héliox sera plus longue que pour l'air ;
- une fois à saturation la quantité d'hélium dissous n'évolue plus mais l'azote continue d'être absorbé, et arrivera un temps où la décompression pour l'air sera plus longue que pour l'héliox.

3. Tables de décompression françaises

3.1 Tables de la Marine Nationale

3.1.1 Débuts

En 1948 la MN5 reprend la table américaine à l'air, adaptée au système métrique, d'où les paliers de 3 en 3 m (3 m ≈ 10 pieds).

En 1959 une nouvelle table9 est calculée par le GERS pour la plongée à l'air jusqu'à 40 m, comprenant trois compartiments caractérisés par leur période et leur coefficient de sursaturation critique :

période 45 min 75 min 120 min
Sc 2,3 2,0 2,0

Le coefficient en sortie C = TN2 / Tnormale du compartiment 120 min sert au calcul de la majoration de temps des plongées successives (méthode du commandant J. Alinat5, une seule successive permise, même si les calculs n'auraient pas de limites).

3.1.2 GERS 65

En 1965 la MN5, 9 officialise la table GERS 65 pour la plongée à l'air jusqu'à 85 m, en fait la table précédente complétée au delà de 40 m, calculs faits avec les nouveaux paramètres (on notera la baisse importante des Sc) :

période 7 min 30 min 60 min 120 min
Sc 2,56 1,84 1,60 1,60
Successives

Elle est utilisable pour les plongées en altitude (mais les tables de Bühlmann sont préférables) et les mélanges suroxygénés grâce aux calculs de profondeur équivalente, et pour les successives (une réglette en carton donne, à partir du coefficient C de la première plongée et de la profondeur de la seconde plongée, la majoration de temps à appliquer suivant l'intervalle).
Ph. Molle7 reprenant les calculs avec les valeurs ci-dessus a mis en évidence les insuffisances de cette table dans la zone 0 - 40 m.


3.1.3 MN 78

Tables pour les plongées à l'héliox20, 1978.

3.1.4 MN 90

L'analyse statistique d'un volume important de plongées révèle un nombre non négligeable d'accidents dans la tranche de profondeurs provenant de la table de 1959. Une nouvelle table, plongée à l'air, est établie, la MN 90 (1990, dernière révision 19969), comprenant 12 compartiments :

période 5 min 7 min 10 min 15 min 20 min 30 min 40 min 50 min 60 min 80 min 100 min 120 min
Sc 2,72 2,54 2,38 2,20 2,04 1,82 1,68 1,61 1,58 1,56 1,55 1,54
MN90

La profondeur est limitée à 65 m (limite de la plongée à l'air : 60 m). Le coefficient C (compartiment 120 min) est remplacé par une lettre (colonne GPS), la réglette par deux tableaux, mais le principe de majoration du temps des successives reste le même, ainsi que les méthodes des profondeurs équivalentes.

La multiplicité des compartiments permet une analyse plus fine (l'informatique facilite les calculs). Si les trois périodes de la table de 1959 étaient insuffisantes, le nombre de compartiments n'est pas le seul critère pour juger une table : la ZH-L16 de Bühlmann en comprend 16, mais seuls les dix premiers (périodes 5 à 146 min) peuvent être comparés à la table MN 90, les autres (jusquà 635 min) étant pour les plongées à saturation.

La MN 90 (auparavant la GERS 65) est la référence pour les examens des brevets de la FFESSM et des brevets d'Etat d'éducateur sportif.


3.2 Tables de la Comex

Ces tables ont été mises au point par la Comex spécialement pour les plongées professionnelles, mais rien n'empêche de les utiliser en loisir.

3.2.1 Cx 70

Tables pour les plongées à l'héliox, utilisées de 1970 à 1982.

3.2.2 Comex Pro 1974

Objet de l'arrêté du 3 octobre 1974, ces tables de plongée à l'air et au nitrox sont calculées suivant le principe des M_values10 (§ 2.2.1). Par rapport aux tables GERS 65 les paliers sont plus longs pour tenir compte de la dépense physique et, pour la plongée initiale, assurer une désaturation plus poussée en vue des successives (une seule successive permise).

Comex 74

Un condensé de ces tables à l'air limitées à 60 m, sous forme de trois tablettes immergeables, est d'un emploi simplissime :
- intervalle de 6 heures ou plus (blanche) : plongée initiale ;
- intervalle de 3 à 6 heures (jaune) : successive, durée limitée ;
- intervalle de 30 min à 3 heures (bleue) : successive, durée limitée.


3.2.3 MT 92

Dans les années 1980 la Comex11 révise ces tables, suite à l'analyse de 64 000 plongées à l'air relevant 137 accidents de type I (articulaires) et 5 de type II (neurologiques). La première édition de 1986 a été validée par 33 000 plongées avec contrôles Doppler. Ces tables ont été officialisées par l'arrêté du 15 mai 1992 après quatre révisions : MT 92.
Le calcul relativement simple du modèle haldanien est remplacé par un algorithme plus sophistiqué : Arterial Bubble model22. L'équation fondamentale du modèle rappelle celle des M_values, tension maximale admissible fonction de la pression ambiante, mais les hypothèses de départ sont différentes de celles de Haldane. En bref : les veines transportent les bulles de dégazage vers les poumons. Suivant leur capacité de filtrage ces bulles peuvent les "traverser" et passer dans la circulation artérielle, provoquant des accidents articulaires ou neurologiques.

Les MT 9212, 21 prévoient d'une part la plongée à l'air (avec paliers à l'air ou à l'oxygène à 6 m remplaçant les 6 et 3 m), les successives (deux méthodes : majoration du temps fonction de la profondeur de la seconde plongée et de l'intervalle ou cumul des temps des deux plongées en prenant la profondeur la plus grande), aux mélanges suroxygénés, à niveaux multiples, en altitude, en utilisant les profondeurs équivalentes pour ces trois derniers cas ;
et d'autre part à l'héliox.
Tous ces cas sont en tableaux, il n'y a aucun calcul à faire, les ordinateurs sont prohibés.

Les conditions sont durcies par rapport aux tables de 1974 : le délai pour considérer une plongée comme initiale passe à 12 heures, les successives ne sont plus possibles après des plongées initiales très longues ou au delà de 51 m.

Existe aussi un jeu simplifié en tablettes immergeables13 pour la plongée à l'air :
- intervalle de 12 heures ou plus (blanche) : plongée initiale ;
- intervalle de 4 à 12 h (jaune) : successive, durée limitée ;
- intervalle d'une à 4 h (bleue) : successive, durée limitée.

3.2.4 2012 et après

Un nouvel arrêté est publié le 30 octobre 2012, puis remplacé par celui du 14 mai 201921. Ce sont des mises à jour des textes réglementaires plutôt que des révisions des tables.

3.3 Comparaison des tables


Comparaison Comparaison

Comparaison des paliers pour deux plongées à l'air :
Ph. Molle7 a recalculé la table GERS 65 entière avec les nouveaux coefficients : la différence de temps de palier est importante pour la plongée à 30 m, ils sont similaires pour celle à 60 m (§ 3.1.2).
Les tables de la Comex commencent les paliers plus profond, d'autant plus pour les MT 92, la décompression est plus progressive.

4. Modèles par diffusion

4.1 H. Hempleman

Une approche originale de H. Hempleman16 (Royal Navy, GB) en 1952 ne considère qu'un seul tissu : le cartilage articulaire, qui ne supporte qu'une quantité limitée de gaz avant survenance des bends. La quantité de gaz diffusée est fonction de la racine carrée du temps (double intégration de la seconde loi de Fick pour une concentration en surface constante) :   Q = p t0.5    (Q : quantité de gaz, p : profondeur en mètres, t en minutes).
En prenant Q = 152 (500 si profondeur en pieds) on définit une courbe de sécurité (remontée sans paliers) profondeur - temps :   t = (152 / p)2, proche de la table de l'US Navy de l'époque.

Dans les années 1970 M. Spencer16 retrouve la même formule, en prenant Q = 142. Ce calcul serait implanté dans certains ordinateurs.

4.2 Approche globale

B. Gardette17 (Comex) établit à l'aide de statistiques une relation entre charge en gaz Q et probabilité d'accident de décompression. Pour un risque de 0,03 % Q = 150 pour l'azote et 200 pour l'hélium. Ci-dessous temps limites de plongée à l'air en fonction de la profondeur pour un risque d'accident de 0,03 % (ne dispense pas des paliers). Appliqué aux tables de la Comex, la durée des successives est limitée, ou elles sont interdites aprés une plongée profonde et/ou longue.

profondeur temps
20 55
30 25
40 15
50 10

Ces temps limites étaient indiqués dans les tables de la Royal Navy de 1972 (limiting lines), mais moins sévères.

4.3 DCIEM

Modèle développé au Canada19 par le DCIEM (1983) à partir des travaux de D. J. Kidd et R. A. Stubbs (modèle KS, 1971) pour remplacer les tables de l'US Navy, adapté aux plongées en eau froide. Contrairement aux modèles haldaniens, le modèle KS utilise quatre compartiments placés en série : le premier est exposé à la pression ambiante puis le gaz diffuse en séquence de l'un à l'autre. Il a été amélioré par R. Nishi, début des années 1980, à l'aide de contrôles Doppler, pour arriver au modèle actuel.

4.4 BSAC

Tables du BSAC (GB) développées en 1988 par T. Hennessy (pas d'information sur leur principe théorique) utilisées pour les plongées loisir à l'air et au nitrox. Elles remplacent celles du RNPL qui dérivaient des travaux de H. Hempleman.

5. Modèles à "bulles"

5.1 VPM

Développé par D. E. Yount et D. C. Hoffmann (Université de Hawaï) et édité en 1986, le VPM10, 18 (modèle à perméabilité variable) n'utilise plus des ratios de sursaturation mais un nombre et une taille de bulles tolérables par l’organisme lors de la décompression.
Il est utilisé pour les plongées à l'air, aux mélanges, successives, en altitude. La version actuelle VPM-B (ordinateur Shearwater) est issue d'une révision effectuée par E. C. Baker (2002), implémentée dans le logiciel V-Planner.

Hypothèse : le corps humain contient des nucléus gazeux qui vont évoluer pendant la plongée, alimentés en gaz dissous, rétrécir du fait de la pression, au contraire croître en bulles lors de la remontée.
La démarche de calcul est complexe, outre les paramètrs classiques sont pris en compte les rayon critique et tension superficielle des bulles, leur nombre... L'évolution des noyaux gazeux est calculée lors de la plongée ; à la remontée les paliers sont déterminés par itérations pour respecter le compromis entre désaturation et contrôle de la formation des bulles.

Par rapport aux modèles haldaniens les premiers paliers sont plus profonds, les derniers plus courts. La décompression est plus longue pour des plongées de faible durée, moins pour des temps au fond plus conséquents.

5.2 RGBM

Le RGBM (modèle de bulle à gradient réduit) est dérivé du précédent par B. Wienke dans les années 1990. Ce modèle (une association de VPM et de Bühlmann ?) étant breveté il n'y a pas d'informations publiées sur les calculs (ordinateurs Cressi, Mares, Suunto).

6. Notes

6.1 Unités de mesure

L'ancienne unité de force était le kilogramme-force (ou le kilogramme-poids, le poids étant la force de la pesanteur terrestre : le système métrique MKpS de 1795) ; dans le SI c'est le newton :    1 N = 0,102 kgf.
Le poids d'une colonne d'eau pure de 10 m de haut et 1 cm2 de section, soit un litre, est de 1 kgp (tel que défini dans le système MKpS d'alors) mais 10 N sont le poids d'une colonne de 10,2 m et même section.

La pression est une force exercée sur une surface :    1 pascal = 1 N / 1 m2
Le Pa est remplacé par le bar, plus concret et plus pratique :    1 b = 100 000 Pa, 1 mb = 1 hPa
Les correspondances (atmosphère normale 1013 hPa ou 760 mm Hg, densité de l'eau de mer 1,025) :

bar atm mm Hg kgf / cm2 mètre d'eau
de mer (msw)
pied d'eau
de mer (fsw)
1 0,987 750 1,02 9,95 32,6

justifient les arrondis de un bar pour la pression atmosphérique au niveau de la mer et pour la pression relative de 10 m d'eau (les profondimètres sont gradués en mètres d'eau de mer), inférieurs aux 2 ou 3% d'incertitude de mesure des instruments courants.
La pression absolue, somme des pressions atmosphérique et relative, est la base de tous les calculs. Au bord de la mer :

Pabs = 1 + (prof. / 10)    et réciproquement    profondeur = 10 (Pabs - 1).

6.2 L'air

L'air est constitué de 78% d'azote, 1% d'argon (on prend 79% d'azote) et 21% d'oxygène (teneurs exactes à 0,05 % près) ; les autres constituants représentent moins de 0,04%.
Bien que la proportion 80 / 20 simplifie les calculs la méthode correcte utilise les valeurs exactes, le résultat est arrondi ensuite :

Bibliographie

1 - J. Corriol et N. Bouffil-Corriol, Une histoire de la plongée sous-marine, Octares, 1984.
2 - G. Millot, Les pieds-lourds, Editions de l'Estran, 1987.
3 - J. Verne, Vingt mille lieues sous les mers, Hertzel, 1869-1870.
4 - P. Bert, La pression barométrique, Masson, 1878.
5 - Y. Berry, P. Gavarry, J. P. Hubert, J. L. Chuiton, J. Parc, La plongée et l'intervention sous la mer, Arthaud, 1977.
6 - X. Fructus, R. Sciarli, La plongée, santé - sécurité, EMOM, 1980.
7 - Ph. Molle, Plongée - loisir en sécurité, Amphora, 1989.

Articles sur le web :
8 - J. M. Belin, Les modèles de décompression, 2005.
9 - J. N. Trucco, Table Marine nationale 1990, 2000.
10 - A. Bertrand, Modèles de décompression en plongée, 2018.
11 - J. P. Imbert et B. Gardette, La proposition Comex pour les tables de décompression du Ministère du Travail.
12 - A. Foret, Mode d'emploi des tables MT 92, 2020.
13 - S. Jacquet, Les tables de décompression MT 92, Stages de plongée scientifique 2004 et 2011.
14 - E. Baker, Comprendre les M_values, 1999.
15 - InnODivE, Les gradient factors, 2012.
16 - S. Loiseau, Les tables de décompression, 2002.
17 - B. Gardette, Théorie générale unifiée de la décompression, 2009.
18 - J. M. Belin, Les dessous de la décompression (plusieurs articles), 2002.
19 - K. Y. Nishi, B. A. Ilobson, The DCIEM / canadian forces air decompression tables.
20 - B. Gardette, La plongée loisirs aux mélanges nitrox et trimix, 2004.
21 - Annexes à l'arrêté du 14 mai 2019. Règles relatives aux travaux hyperbares effectués en milieu subaquatique.
22 - J. P. Imbert, D. Paris, J. Hugon, The arterial bubble model for decompression tables calculations, 2004.
23 - A. Salm, History and development of decompression algorithms, Bühlmann symposium, Hôpital universitaire de Zürich, 2019.
24 - Notices commerciales des ordinateurs de plongée (quand le modèle utilisé est précisé et sans garantie de leur exactitude).


© G. Navarre, 2021, màj 24/03/2025.

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